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AUTOUR DE L'IDEE D'ENTRETIEN

 

 

 

 

 

Jeanine RIVAIS

 

Critique d'art

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

 

 

 

acdbull1Le Grimoire Impossible

 

 

acdbull1Comment j’en suis venue à …

 

 

acdbull1Le Millen’Art

 

 

acdbull1Philippe AÏNI

 

 

acdbull1Sa trajectoire

 

acdbull1Ses références sur le Web

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Et d'abord, n'est-ce pas une affaire de génération qui fait que si, moi qui déteste le franglais, je propose "un entretien" à un "plus de quarante ans", il sait tout de suite ce que j'ai en tête ; mais si j'en parle à une personne plus jeune, elle hésite, me demande ce que j'entends par là, et son visage ne s'éclaire que si je prononce le mot "interview" ? Ensuite, je vais pester intérieurement parce les uns diront "un" interview ; les autres "une" interview ; et je trouve que le second cas  sonne mieux et correspond directement au français "entrevue" qui est féminin ! Mais le dictionnaire donne raison aux deux ; alors je dois m'incliner (contrairement, entre parenthèses)  à "un" autoroute" où je pique des colères noires contre  ceux --et ils sont nombreux !--qui voyagent sur "le route", alors qu'il fait si bon prendre "la route" !)

 

Une fois réglé ce problème lexical, à qui viens-je de faire cette proposition ? Toujours à quelqu'un qui, directement ou indirectement est concerné par l'art (médecins, "psy" de tous horizons, créateurs de "lieux" concernés par l'art, etc.) ; mais le plus souvent à un artiste dont le travail a suscité en moi intérêt et émotion très forte. Ce qui n'amène pas forcément à l'évidence d'un échange intéressant : certains artistes, très "profonds" au demeurant, sont incapables de "parler" de leur oeuvre ; soit parce qu'ils sont trop introvertis, trop timides, trop orgueilleux... ; et si entretien il y a malgré tout, il se limitera à quatre ou cinq questions auxquelles il sera répondu par monosyllabes. Ce qui n'éclaire guère l'oeuvre ; n'enrichit nullement l'histoire de l'art ou la personnalité de l'artiste ; et me laisse sur ma faim, avec un vague sentiment de culpabilité : Pourquoi n'ai-je pas su, pas pu, desserrer l' "écrou" ? Aurait-il été possible sous une autre forme, de le (la) faire "parler"... ? D'autres, plus culottés, ou plus cyniques, se tirent d'embarras par la dérision, la provocation : "C'est vous la critique ; c'est à vous de dire ce qu'il y a dans mon travail..."

 

Il va de soi que sont rarissimes et forcément circonstancielles, de telles situations où, de lui-même, mon micro s'est levé pour saluer une oeuvre intéressante. De même que ne peut être que circonstanciel "l'échec" d'un entretien qui m'avait paru plein de richesses : Cela m'est arrivé deux fois au fil de bien des années ; coup sur coup, qui plus est ; et récemment (mais cela est peut-être un signe de l'évolution de cette mouvance singulière ; de son ouverture à des gens qui au fond, n'en ont cure ?) Chaque fois, c'est moi qui ai pris l'intitiative d'annuler la publication parce que j'ai refusé toute compromission ; et toute mollesse à l'égard de gens qui se sont avérés être des goujats : la première décision concernait une créatrice d'Art-récup' dont les sculptures me semblent intéressantes comme il y en a des milliers d'autres depuis quelques années. Par contre, quand je l'ai rencontrée, cette personne m'a parlé d'une école qu'elle avait créée en Suisse, il y a une vingtaine d'années, pour aider à se réadapter au rythme scolaire "normal", des enfants surdoués en échec. Elle leur faisait faire beaucoup de théâtre, les faisait s'exprimer au moyen de masques qu'ils réalisaient eux-mêmes, etc. Je suis allée chez cette personne ; pendant trois heures, nous avons parlé de cette école, et à la fin, nous avons parlé une vingtaine de minutes de sa création née dans la foulée de cette idée de masques. Quand je lui ai envoyé le texte pour correction, voilà que soudain l'école "ne l'intéressait plus, elle appartenait au passé" ; elle voulait que je retourne la voir pour que nous ne parlions que de ses sculptures. J'ai répondu poliment que l'entretien avait porté sur l'école ; que c'était cette création-là qui avait motivé ma proposition d'entretien... Le mari m'a envoyé un fax pour m' "expliquer" que l'école, etc. Je n'ai pas donné suite. Dans le second cas, il s'agit d'un couple qui se rend régulièrement en Inde, dans de petits villages complètement isolés, et en rapporte des peintures, des dessins, surtout des oeuvres mithila. Je les ai reçus chez moi trois matinées entières, pour parler de leurs aventures, de cette "rencontre" avec des gens tellement créatifs. Lorsque j'ai voulu "repiquer" la dernière partie de l'entretien réalisé avec la jeune femme, je me suis aperçue (la technique et moi étant de singulières étrangères) que les dernières questions étaient en surimpression des premières, environ 1/4 d'heure devenu inutilisable. J'ai donc écrit à la personne en la priant de m'excuser, et lui demandant de bien vouloir écrire les réponses qu'elle m'avait faites oralement : elle m'a répondu qu'elle était débordée et que je n'avais qu'à les reprendre dans le texte que publiait Raw Vision. N'est-ce pas là l'exemple-type de la désinvolture : Moi, je lui ai consacré une douzaine d'heures ; j'en ai passé autant à décrypter le texte ; et elle n'avait pas une demi-heure pour récrire ses réponses ! Sans parler de la malhonnêteté qui consisterait à prendre en catimini un texte réservé à quelqu'un d'autre ! Celui-là ne paraîtra donc jamais !

 

Je voudrais évoquer un troisième cas, concernant un psy marginal, très violent dans ses réactions par rapport à ses collègues ; condamnant les fausses valeurs qui se sont établies dans le monde de la psychiatrie ; défendant des artistes difficiles. Bref, quand je lui ai proposé une rencontre, je lui attribuais toutes les qualités requises pour un bon entretien. En prévision duquel j'ai envoyé des semaines à l'avance les questions que je souhaitais y poser. Et qui s'est déroulé magnifiquement, dans une ambiance très conviviale de la part de mon interlocuteur et de sa femme qui nous recevaient, Michel Smolec et moi, dans leur maison et leur musée. L'une de mes remarques portait même là-dessus, sur le fait que l'échange se déroulait de façon très simple, et serait accessible pour des lecteurs profanes ! Le texte envoyé pour correction, j'ai eu la surprise de recevoir des pages complètement différentes de ce que j'avais expédié. Remplacées par une langue de bois professionnelle. Et j'étais sans ambage informée que mon interlocuteur désirait faire lui-même la mise en page. Bref, d'hôtesse, je devenais l'invitée qui n'avait plus qu'à obtempérer. Pire ! Ce qui avait été un échange plaisant devenait une sorte de dialogue hostile, avec des ajouts du genre "L'institutrice monte au créneau ?", placé tout seul, en haut d'une page, au-dessus de dessins qui l'isolaient du reste du texte. Au point que j'avais l'air d'être le clown blanc de cette personne. Encore plus grave à mes yeux : le texte qui me revenait contenait 159 fautes d'orthographe, des morceaux de phrases manquaient, etc. Et le même jour, il téléphonait à la revue pour dire qu'il "exigeait" que le texte paraisse sous la forme où il l'envoyait. On imagine l'embarras des Caire, puisqu'il s'agit d'eux, bien sûr ! Pour ne pas faire de vagues, j'ai décidé de laisser faire, exigeant seulement que soit publié un "chapeau" stipulant que je n'étais pas responsable de la mise en page ! Les semaines ont passé. Avez-vous déjà eu le sentiment que se joue entre vous et une tierce personne, une épreuve de force silencieuse, à distance ? C'était exactement le sentiment que j'éprouvais, jusqu'au jour où Jean-Claude Caire m'a appelée pour me dire qu'il venait de recevoir une deuxième diskette, toutes fautes corrigées ! Sans commentaire ! Si ce n'est le soulagement, et l'amusement de me dire que Groddeck aurait certainement interprété comme un acte manqué un incident survenu à ce moment-là : pour la première fois de ma vie, j'avais remis dans mon appareil une pellicule impressionnée de photos du fils de nos amis en communiant ; et repris par-dessus les photos des dessins du musée qui proposent presque tous des personnages nus avec des zizis brandis tous azimuts ! Amusantes, mais inutilisables, (les photos, bien sûr) !

 

Ces trois "incidents" de parcours m'ont beaucoup perturbée, parce que je prends ces entretiens très au sérieux ! Heureusement, le reste du temps, tout se passe bien, chaleureusement. Car je propose un entretien à des personnes dont je connais l'oeuvre depuis longtemps ; et que pour la plupart je connais. Je les rencontre dans leur atelier, ou chez elles, pour qu'elles se sentent à l'aise, dans leur cadre intime. J'envoie à l'avance les questions que je souhaite leur poser, afin qu'elles puissent, si elles le souhaitent, y réfléchir tranquillement. Il va de soi que ce questionnaire ne peut être qu'une trame, et non un carcan qui nous limiterait a priori ! Des réponses de mon vis-à-vis, en naîtront d'autres, et certaines disparaîtront. Au jour J. cette liberté de forme générera une liberté de ton, assurera la fluidité de l'échange, en même temps que sa profondeur, de sorte que le lecteur sera forcément sensible à cette complicité !

 

Pourquoi prévoir à l'avance l'essentiel des questions ? Parce que je déteste les propos oiseux, le papillonnage médiatique, les à peu près auxquels se livrent trop souvent journalistes et célébrités ; qu'il m'est essentiel de fouir l'oeuvre et l'esprit de l'interviewé, de trouver les chemins qui vont les traverser tous deux, et m'amener à les connaître, les comprendre mieux ; les amener peut-être à se mieux connaître, à se mieux comprendre ! Est-il prétentieux de ne concevoir ces entretiens qu'avec la volonté de mener le débat ? Il me semble que non ; qu'il ne s'agit-là que de professionnalisme ; de curiosité intellectuelle, bref d'amour d'autrui !

 

A Paraître dans « L’amateur »

d’Alain et Blanche-Marie ARNEODO

 

 

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